Thierry Van Damme (Patho Stone): "C'est dans l'approche client que nous faisons clairement la différence"
A l'âge de 25 ans, Thierry et son épouse ont tenté un pari. Tous deux titulaires d'un diplôme de gestion et forts d'une solide envie de se mettre à leur compte, ils ont repris l'affaire d'un tailleur de pierre naturelle moribonde à Sint-Lievens-Houtem, sans avoir la moindre expérience dans le métier. Il faut être un peu fou et jeune pour cela, a reconnu Thierry au cours de notre entretien. "En fait, nous ne savions pas du tout si cela nous plairait. Mon expérience en informatique m'a permis d'installer un circuit pour faire fonctionner la machine CNC depuis chez moi. Mais c'est tout."
Les débuts de Patho Stone, qui a entre-temps déménagé à Zottegem, ont parfois été marqués par des hauts et des bas, mais se font finalement bien passés. Huit ans plus tard, les défis et le charme irrésistible du travail de la pierre naturelle n'ont plus de secrets pour notre trentenaire. Il a également fondé une seconde entreprise, Gobulex, emploie 17 personnes et les carnets de commande sont bien remplis.
Nous nous sommes entretenus avec Thierry dans la salle d'exposition aménagée avec goût par son épouse où, bercés par une musique douce, nous avons pris place à une table arborant un magnifique plateau en terrazzo de couleur sable. Fabriqué dans son propre atelier, cela va sans dire. "Nous n'avons expressément pas rebouché les trous dans cette tranche pour l'effet visuel", explique Thierry.
Nous venons de poser notre dictaphone sur une des spécialités de Patho Stone, n'est-ce pas?
Thierry: "En effet. Le terrazzo est l'une des marques de fabrique avec lesquelles nous nous démarquons. Notre ambition est de démontrer que ce matériau ne doit pas nécessairement être criard, mais qu'il peut aussi créer une ambiance très calme et sereine. La demande de sur-mesure en terrazzo augmente. En fait, elle est même énorme. Il s'agit surtout de proposer une alternative aux 20 à 30 couleurs standard que l'on trouve couramment chez les fournisseurs bien connus. Les tons de beige et de gris ont aujourd'hui fortement la cote. Nous constatons également que de plus en plus de collègues-concurrents nous achètent du terrazzo parce qu'ils ne peuvent pas le fabriquer eux-mêmes ou parce qu'ils ne disposent pas de l'expertise nécessaire. Notre customer centricity ou souci du client constitue un autre trait distinctif."
Qu'est-ce que cela signifie précisément pour les clients qui viennent chercher leur bonheur chez Patho Stone?
Thierry: "Nous avons mis en place un système de vente selon lequel peu importe que nous vendions un produit cher ou bon marché. La marge reste garantie, de telle sorte que nous ne poursuivons pas un double objectif. Nous n'avons donc rien à gagner à proposer au client un produit plus cher qui nous procurerait une marge plus importante, car il n'y en a pas. Nous pouvons donc aider le client à trouver exactement ce dont il a besoin. Dans le segment du luxe du secteur de la pierre naturelle, la différence de qualité est très minime. En tant qu'entreprise, vous devez donc vous différencier par votre façon d'être et de travailler. Ainsi peut-on précisément décrire notre approche personnalisée des clients."
Quelle est la proportion de clients privés et B2B?
Thierry: "Les particuliers représentent une minorité. Environ 15%. Mais il faut nuancer cela. Nous répertorions également comme clients professionnels les acheteurs privés à qui nous envoyons la facture mais qui nous trouvent par l'intermédiaire d'un architecte. Dans ces cas-là, nous convenons effectivement de tout avec l'architecte, même si la facture n'atterrit finalement pas dans sa boîte aux lettres."
Le parc de machines forme le coeur de l'entreprise. Comment avez-vous constitué l'atelier?
Thierry: "Il n'existe pas une infinité de configurations pour le 'flux'. Via des réunions trimestrielles, nous nous tenons au courant et discutons régulièrement des forces et de faiblesses du système. L'atelier suit une ligne droite. Lorsque la pièce entame son trajet, elle ne peut en principe jamais revenir, pour ne pas perdre de temps. Cette approche relève tout simplement du bon sens. L'idée de base est la suivante : 'avoir le moins possible de manipulations et avancer 44 45 le plus vite possible'. Nous avons fait le calcul : avec un flux mal réfléchi, votre personnel parcourt un kilomètre de plus par jour, soit une perte de deux heures par semaine. Il est donc extrêmement important que les machines soient installées au bon endroit."
Pouvez-vous nous en dire plus sur le rôle que joue ici le personnel?
Thierry: "Le personnel est un facteur à ne pas sous-estimer dans ce processus. Acheter une machine n'est pas très difficile, mais constituer une bonne équipe représente le véritable défi de l'entreprise. Cela ne vaut pas uniquement pour le secteur de la pierre naturelle, car on cherche vraiment du personnel partout. Vous savez, l'indexation des salaires de 11% l'an dernier n'est que la partie visible de l'iceberg. Les salaires ont augmenté de manière spectaculaire afin d'attirer et de conserver le bon personnel. L'augmentation réelle se situe entre 20 et 23%. Celui qui prétend le contraire a probablement vu beaucoup de gens partir l'an dernier. Le personnel est le seul gros défi pour lequel je n'entrevois à l'heure actuelle pas de solution dans l'immédiat. Le problème réside également dans le fait que constituer une équipe sur la base des seules qualités intrinsèques, sans esprit d'équipe, entraînera tôt ou tard un retour à la case départ. C'est pourquoi nous faisons appel à des coachs pour aider notre équipe. Dans le cadre de notre politique de recrutement, nous faisons également appel à des experts pour composer notre équipe sur la base de profils de personnalité. C'est ainsi que nous essayons d'augmenter les chances de trouver le bon profil et d'éviter les départs à court et moyen terme."
L'entreprise est pourtant en pleine santé. Il n'y a pas vraiment de crise??
Thierry: "Quand on est bon dans le haut de gamme, il n'y a jamais de crise..." (Thierry sourit)
Quel projet peut faire sortir Patho Stone de sa zone de confort?
Thierry: "Avec Gobulex, notre filiale pour le marché des projets, le parking de Ledeberg a été notre réalisation la plus spectaculaire. Nous avons passé un nombre d'heures anormal sur ce projet. Nous devions poser des panneaux de sol en terrazzo de 200 kg avec des joints de 2 millimètres, mais aussi des lambris qui suivaient la pente de la cage d'escalier. C'était complexe. Heureusement, nous pouvons compter sur des collaborateurs qui veulent repousser les limites, qui aiment faire des choses nouvelles et qui souhaitent apprendre de leurs erreurs. Nous avons réalisé un étage pilote, qui devait d'abord être approuvé par le maître d'ouvrage. Cela nous a permis d'apprendre mille et une choses, comme le fait que la pression exercée sur les panneaux d'angle du lambris était de 400 kilos, ce qui était impossible à supporter sans un fer en L de renfort. Anecdote assez amusante : à la fin de ce projet, nous devions parachever un petit espace sanitaire - une tâche de routine - et, à cause d'une erreur, la moitié des éléments se sont avérés mal posés." (rires)
Prenez-vous toujours les mesures vous-mêmes?
Thierry: "Nous suivons une règle simple : si nous ne nous mesurons pas nous-mêmes, nous ne posons pas non plus."
Vous venez de parler des collèguesconcurrents. On dit souvent que la concurrence entre les entreprises de pierre naturelle est féroce.
Thierry: "Le secteur porte cette réputation en lui. Mais je constate que la jeune génération a une mentalité très différente et nouvelle. Il n'y a plus ce refus amer de céder du travail. Il y a beaucoup plus de collaboration. Même ici, chez Patho Stone, les projets communs ne sont pas tabous. Cela s'explique par la prise de conscience que chacun a sa spécialité, même au sein du métier de la pierre naturelle, et que l'entraide peut s'avérer une solution plus durable à long terme. Si vous invitez quelqu'un à participer à un projet, il vous rendra la pareille plus tard. Tout le monde en sort gagnant."
Enfin, quelles tendances observezvous encore dans le secteur?
Thierry: "Je crois beaucoup en l'essor des exosquelettes pour améliorer l'ergonomie. Le tribut à payer est assez lourd pour ceux qui sont actifs longtemps dans le secteur de la pierre naturelle, et avec la tendance à des carrières de plus en plus longues, ces exosquelettes peuvent faire la différence. Au niveau commercial, je pense qu'il y a davantage d'avenir pour les vendeurs qui réfléchissent avec le client, à la manière de consultants. Je ne crois plus au vendeur qui résout le soi-disant problème du client avec sa gamme de produits."
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