L’hôtel de ville d’Anvers, transformé avec respect, devient ‘Huis van Bestuur’
L’équipe projet ‘Huis van de Stad’ ne s’est pas contentée de réparer ce qui s’était dégradé. Elle est allée plus loin et, après une campagne poussée de restauration, de rénovation et de reconversion, l’hôtel de ville est aujourd’hui à la fois une maison ouverte, l’icône d’un patrimoine immobilier de valeur sur la Grand-Place, une maison dans laquelle se décide la gestion politique (Huis van Bestuur), et un bâtiment durable, doté de perspectives d’avenir.
‘Huis van Bestuur’
Il y a 450 ans déjà que l’hôtel de ville d’Anvers constitue le centre névralgique du pouvoir municipal. Mais ce n’est qu’au cours de la dernière décennie que ce fonctionnement très centralisé a commencé à se déliter. Le monument ne pouvait plus faire face à la croissance des services administratifs, des cabinets et des différentes fractions. Les services ont donc été dispersés, ce qui, pour le citoyen, a occasionné manque de clarté et confusion. Le monument devenait quant à lui un simple décor de cérémonies.
Il y a quelques années, la municipalité a décidé de mettre fin à cette croissance incontrôlée. L’hôtel de ville devait être rétabli dans sa fonction de centre géographique du pouvoir municipal. De plus, une campagne de rénovation approfondie devait lui permettre d’abriter tous les services.
Barbara Pecheur, architecte et partenaire chez Origin Architecture & Engineering : “Une étude de faisabilité a été effectuée en 2011. Elle s’inscrivait dans un plan global pour une restauration totale, une rénovation et une reconversion partielle, ainsi qu’une optimisation de l’utilisation de l’espace, avec l’ambition de redéfinir le rôle de l’hôtel de ville d’Anvers pour ses habitants et ses visiteurs, et de le concrétiser. Cette étude a fini par aboutir à un Appel Ouvert émis par la municipalité et le Vlaamse Bouwmeester, afin de trouver un concepteur pour ce projet d’envergure.
Le collectif belge de concepteurs ‘Huis van de Stad’ (la Maison de la Ville) – un nom collectif sous lequel HUB, Origin Architecture & Engineering, Bureau Bouwtechniek, Daidalos Peutz, RCR, BAS, FPC et l’artiste Germaine Kruip ont uni leurs forces – a été sélectionné. Le projet proposé comportait quantité d’interventions bien pensées pour rendre le monument apte à répondre à toutes les ambitions du maître de l’ouvrage. Refaire de cet édifice le cœur battant de la politique anversoise, un lieu dans lequel tous les échevins et les collaborateurs politiques soient à leur place…, n’était certes pas le seul objectif de l’opération.
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Maison Ouverte
L’architecte Bert Van den Bergh, de Bureau Bouwtechniek : “Au cœur de ce projet, un second objectif important était de faire que les habitants et les visiteurs puissent à nouveau entrer dans ‘leur’ hôtel de ville et en faire usage. C’est précisément pour cela que nous ouvrons littéralement en grand les portes du rez-de-chaussée, et que nous rétablissons les fonctions mixtes publiques et commerciales, qui se tenaient sur l’arrière à l’origine, en cohésion avec la Grand-Place.”
“En retrouvant le rythme original des espaces en profondeur, avec leurs voûtes en berceau, on a rendu une qualité à ce niveau. Le hall d’entrée central, qui se trouvait, avant la restauration, sur le côté du Suikerrui, a été replacé vers la Grand-Place.”
Conserver la valeur du patrimoine
Barbara Pecheur : “La reconversion et l’ouverture ont été réalisées avec un maintien maximal de la valeur patrimoniale. L’équipe a restauré avec respect les décors exceptionnels du Bel-Étage et du Premier Étage. Nous avons montré le plus grand respect pour la ‘cohérence stratifiée’ de l’édifice. Ce qui signifie que la somme des interventions que celui-ci a connues au fil du temps constitue un ensemble harmonieux, que nous avons respecté en tant que tel.
“Les éléments intérieurs ont été conservés avec toute l’attention nécessaire pour leur patine, et réparés lorsque c’était nécessaire. Là où des interventions de moindre intérêt ont eu lieu au fil du temps (choix malheureux de matériaux, qualité d’exécution limitée…), nous avons saisi l’opportunité d’effectuer des améliorations qui recréent une harmonie.”
La façade extérieure a elle aussi été restaurée dans le respect de sa valeur historique. L’équipe s’est pour ce faire basée sur une gravure datant de 1565, sur laquelle on voit clairement la palette des couleurs d’origine.
Etage éclairé
Les modifications les plus notables ont eu lieu au deuxième étage, baptisé par l’équipe de conception ‘ Verlicht Verdiep’, (l’étage éclairé, NdlT).
Bert Van den Bergh: “Après le déménagement des archives historiques de la Ville pour l’entrepôt St-Félix réhabilité, l’étage se trouvait vide. Contrairement aux autres salles de l’hôtel de ville, il n’était pas décoré et se rapprochait davantage d’un espace de combles. Grâce au projet, cet étage veut se raccorder, par des interventions équilibrées, à la structure historique et aux riches matériaux et mobiliers de l’immeuble. L’étage dit ‘éclairé’ ne cherche pas de sensations architecturales mais une valeur ajoutée pour les nouveaux cabinets, en termes d’espace, d’éclairage naturel, de vue extérieure et d’acoustique.”
“Alors que le Premier Étage et le Bel-Étage empruntent leur identité à leur intérieur, leurs ornements, leur hauteur sous plafond, ceci n’était pas possible au second étage. Nous avons dû nous mettre à la recherche d’autres qualités. En supprimant les deux charpentes les plus centrales pour les remplacer par de nouvelles structures de construction légère, nous avons créé deux vestibules hauts et élégants, offrant un éclairage généreux et une vue sur l’extérieur. L’artiste plasticienne Germaine Kruip a cherché à se raccorder au maximum à l’escalier central, en plaçant, au-dessus de la coupole historique, une œuvre d’art qui joue avec les reflets, la vue et la lumière. L’étage éclairé acquiert ainsi autant de valeur que les autres.”
BREEAM
Barbara Pecheur: “Dès le départ, l’ambition du maître d’ouvrage était de choisir résolument la durabilité. Une étude de confort effectuée avant les travaux a montré sur quelles valeurs miser. À partir de ce document, il a été décidé de tenter d’obtenir un certificat BREEAM. La méthode ‘Building Research Establishment Environmental Assessment Method’ permet de mesurer la durabilité d’un bâtiment et de l’améliorer. C’est un véritable défi dans le cas d’un édifice monumental, mais cette méthode permet, grâce à toutes sortes d’interventions prenant en compte la valeur patrimoniale, d’atteindre de bons résultats en termes de durabilité.”
“La méthode BREEAM évalue la durabilité dans pas moins de neuf domaines : la gestion, la santé et le confort, l’énergie, la mobilité, l’eau, les matériaux, les déchets, l’utilisation de l’espace, l’écologie et la pollution. Chacune de ces catégories permet d’obtenir des points, totalisés dans un score qui sera évalué par la suite. L’hôtel de ville d’Anvers a ainsi obtenu le label ‘très bien’.
Bert Van den Bergh : “La méthode BREEAM était pour nous un outil au service de la recherche de durabilité, et pas un but en soi. C’est l’immeuble qui a dicté lui-même ce qui était faisable, et des objectifs ont été mis en avant, des objectifs en ligne avec les interventions envisagées. Le label n’a donc jamais été un argument pour réaliser des interventions qui n’auraient pas été en cohérence avec ce patrimoine.”
Équipe pluridisciplinaire
L’équipe ‘Huis van de Stad’ se compose de sept partenaires. Toutes les disciplines (rénovation, restauration, stabilité, physique de la construction, acoustique, sécurité incendie) ont été impliquées dès le départ pour permettre une intégration optimale.
Bert Van den Bergh : “L’hôtel de ville d’Anvers est le cœur politique de la ville depuis déjà plus de quatre siècles. C’est aussi un patrimoine mondial reconnu par l’Unesco. On ne le restaure pas à la va-vite ! Il faut formuler des réponses bien pensées à un grand nombre de questions difficiles… Comment optimiser le confort et l’utilisation en respectant, et en renforçant même, la valeur patrimoniale ? Comment nous assurer qu’une occupation et une utilisation futures restent possibles dans ce nouvel hôtel de ville ?”
“Les projets ont tous fait l’objet d’une large concertation. Nous avons cherché en permanence un équilibre optimal entre la valeur historique et le confort actuel. Ce qui n’a pas toujours été évident. Comment, par exemple, installer de nouvelles canalisations et des câbles électriques lorsque vous ne voulez pas toucher aux revêtements de murs en cuir doré, ou à des peintures murales décoratives vieilles de plusieurs siècles ? Ou encore, comment isolez-vous un bâtiment sans casser ses fenêtres monumentales, si vous voulez conserver les façades et les sols de valeur ? Notre équipe de conception a toujours été à la recherche de solutions créatives. Car ce type de projet ne peut réussir que si chaque membre de l’équipe et les exécutants se penchent dessus, et participent au processus à partir de leur propre discipline, et dans un réflexe critique.”
Respect pour le monument et les différents partenaires
Barbara Pecheur : “Des concepteurs, bureaux d’études, le maître de l’ouvrage, les entrepreneurs, les services du patrimoine…, tous les partenaires concernés voulaient le meilleur résultat possible. Il y avait de l’espace pour une réflexion qui rassemble. Une réflexion constructive a été possible, y compris sur des questions qui ne tombaient pas sous notre propre responsabilité.”
“Beaucoup d’interventions ont été intégrées de manière invisible. Ce qui a représenté un exercice extrêmement complexe. En revanche, tout ce qui est visible est réversible. Les nouveaux escaliers par exemple. Ou le nouveau portail d’entrée, qui se détache du tissu historique.”
“Toutes les solutions ont été bien cristallisées durant la phase de conception. Mais, bien entendu, il n’est pas possible de tout prévoir, et des surprises se produisent durant la phase d’exécution. Les problèmes ont alors été discutés en profondeur avec toute l’équipe, jusqu’à ce qu’une solution valable soit trouvée, une solution qui convienne à chacun.”
Bert Van den Bergh : “Un exemple ? Durant les travaux, nous avons découvert dans différents murs des portes historiques dissimulées. Près d’un endroit où nous avions déjà prévu un nouvel accès. Après concertation, nous avons pu déplacer cet accès et réconcilier ainsi la valeur historique et les exigences de confort.”
“Un autre exemple ? Pour créer l’étage éclairé, nous avons supprimé deux plafonds historiques. Ce qui n’a pas été une décision facile dans un patrimoine mondial de l’Unesco mais, après une discussion approfondie avec toutes les parties concernées, il a été estimé que l’intérêt de la reconversion totale justifiait cette intervention. Les anciens plafonds n’ont pas été tout simplement démolis, mais soigneusement démontés, inventoriés et entreposés. De sorte que, si l’on décidait ultérieurement de restaurer l’état d’origine, cela serait possible.”
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