SWOT prospectif: la vision de Christoph Vandenbussche
Quel est à vos yeux le défi majeur pour le secteur? Et quelle serait la meilleure réponse?
Christoph Vandenbussche: “Nous sommes confrontés à toute une série de défis. Comme les tensions sur le marché au travail, la ‘war for talent’… Mais le défi majeur est sans aucun doute la recherche de durabilité. Notre secteur est responsable de quelque 50 % de la demande en énergie, et de 40 % des émissions de CO2. Si nous voulons tenir nos objectifs climatiques, il va falloir appuyer très fort sur la pédale de frein. Mais pas littéralement !”
“La circularité aura un rôle très important à jouer. Plus nous serons nombreux à nous tourner rapidement vers ce concept, mieux ce sera. Car c’est bien la voie à suivre. C’est seulement ainsi que nous pourrons livrer des immeubles vraiment durables et conçus pour le futur. C’est à nous, entreprises, qu’il incombe d’ouvrir la voie en investissant dans le R&D, dans le recyclage et le réemploi des matériaux, des produits et des systèmes, dans des solutions et des processus de production neutres en carbone.”
“Voyons la problématique de la rénovation. Notre pays dispose d’un parc immobilier qui a beaucoup vieilli et, pour le rendre durable et économe en énergie, il faudra un effort considérable. Nous avons jusqu’à 2050 pour atteindre les objectifs fixés. Si nous voulons y arriver, cette politique aura besoin d’un soutien solide. Dans ce but, il convient de pérenniser la prolongation, voire l’optimisation de la baisse de la TVA. Mais il faut aller plus loin encore, beaucoup plus loin. Je lance donc un appel à nos pouvoirs publics : proposez-nous un ensemble de mesures solides, il faut un signal fort!”
Dans quelle technologie ou innovation voyez-vous une grande opportunité? Pourquoi?
Christoph Vandenbussche: “Dans la poursuite de la digitalisation du secteur. Le BIM prendra une importance croissante. Non seulement comme outil de conception et d’exécution, mais aussi après la livraison. L’information dans les modèles sera cruciale pour l’entretien, la réparation, la rénovation, la réaffectation, pour le démantèlement final d’un immeuble et le réemploi des matériaux présents.”
“Pour optimiser ce processus, les équipes de construction doivent travailler plus étroitement encore. Aujourd’hui, on pense encore trop ‘en silo’. Le partage des connaissances doit devenir complet et aller de soi. Et la digitalisation sera un puissant accélérateur. C’est seulement ainsi que nous arriverons très près du ‘building as a service’…”
Quels sont les fers de lance de votre entreprise? Où voulez-vous arriver?
Christoph Vandenbussche: “Nous voulons donner une réponse à la tension du marché de l’emploi. En investissant fortement dans la poursuite de la digitalisation et de l’automatisation de nos processus internes. Notre réseau Reynaers Partners peut compter lui aussi sur notre soutien. Un portail-clients intelligent permettra par exemple d’investir moins de travail humain dans les tâches administratives, afin que chacun puisse se concentrer entièrement sur son cœur de métier. Nous investissons aussi sur des produits novateurs pour les solutions préfab. Ceux-ci diminuent l’impact des erreurs et améliorent l’efficacité. Ce qui permet aussi de réduire la présence humaine sur le chantier.”
“Et, last but not least: nous rendons notre production et notre produit plus durables. Pour montrer que cela nous tient à cœur, nous avons lancé notre ambitieux ‘Reynaers Act’, et défini quatre axes. Nous voulons contribuer à la réalisation d’immeubles durables, en produisant et en mettant à disposition des éléments de construction durable et circulaire, qui conservent leur valeur durant tout leur cycle de vie. Nous voulons arriver à un fonctionnement interne durable, et tout ceci dans le plus grand respect de l’humain et de la société.”
Que sera selon vous la dynamique économique en 2024? (Inflation, récession, pouvoir d’achat, carnet de commandes?)
Christoph Vandenbussche: “C’est la question à 1 million de dollars, non? Nous remarquons que le marché se refroidit quelque peu actuellement. Ce qui n’est pas une raison pour paniquer: le secteur a toujours été influencé par l’actualité, mais peu déstabilisé jusqu’à maintenant. Même si les dernières années ont été mouvementées, avec la Covid et l’augmentation des prix des matières premières, entre autres.”
“Les hausses de prix sont une nouvelle réalité. Il ne sera plus possible de retrouver l’ancien niveau. A cause d’une disponibilité qui régresse, de coûts salariaux en augmentation, tout comme les prix de l’énergie… Ajoutons à cela l’inflation et des taux d’intérêt plus élevés: le désir d’investir diminue. En revanche, tout un parc immobilier doit être rendu durable. Un tsunami de rénovation est indispensable si nous voulons atteindre les objectifs en termes de climat.”
“Les deux systèmes se maintiendront en équilibre… si le gouvernement prévoit, au minimum, des leviers pour qu’il devienne plus intéressant de rendre durable. Outre la réduction de TVA, je pense à la simplification et à l’accélération de la procédure des autorisations de construire. Encore une fois, il nous faut des leviers!”
En quelques mots, que pensez-vous de:
La construction circulaire: "C’est l’avenir. Il faut absolument chercher la durabilité."
Les ‘Bouwmeesters’: "Une vision qui coordonne l’aménagement du territoire."
L’IA: "Super-intéressante si encadrée légalement."
Le BIM: "Une facilitation pour une étroite collaboration des équipes de construction."
Le tourisme spatial: "For the happy few."
Question subsidiaire: où et comment vivrons-nous en 2100?
Christoph Vandenbussche: “Sur Mars? Même si 2100 est déjà tout proche. Encore une, peut-être deux générations de bâtiments, et nous y sommes! Espérons que ces constructions seront circulaires. Peut-être plus compactes, plus petites, et en hauteur. Elles offriront aussi des réponses aux différents besoins qui changent dans notre vie. Une chose est certaine: le Belge avec sa brique dans le ventre, qui rêve d’une maison individuelle plus grande, avec un jardin…, devra se chercher d’autres rêves!”