Catherine De Wolf : "La construction circulaire est la seule voie vers un monde vivable".
La construction circulaire est-elle actuellement plus chère ? Moins chère ?
Catherine De Wolf : "C'est une question de point de vue. Considérez-vous uniquement le coût de l'investissement initial ? Ou aussi les avantages à long terme ? À l'heure actuelle, l’investissement est légèrement plus élevé qu’avec des produits, des systèmes et des travaux non circulaires. Mais à long terme, ces interventions sont généralement amorties par les économies réalisées au niveau de l’entretien, de l’énergie, etc. Dans les décennies à venir, un bâtiment circulaire rapportera nettement plus à la location ou à la vente."
"Il faut également examiner les choses au cas par cas, produit par produit. Actuellement, vous pouvez déjà facilement acheter à bas prix certains matériaux que vous pouvez (ré)utiliser, mais les adapter pour la fonction ou l’application que vous avez en tête peut demander du travail. Là aussi, il y a des opportunités. En effet, si vous développez une application ou une solution circulaire pour la première fois, cela implique des dépenses, mais cet investissement sera peut-être largement rentabilisé par la suite.”
Comment se profile l'avenir ?
Catherine De Wolf : "Dans les prochaines années, la circularité va de plus en plus passer à l’avant-plan. Si nous voulons un monde durable, c’est la seule voie possible. Et plus les acteurs de la construction en prendront conscience et feront corps à ce niveau, plus les économies d'échelle seront importantes. Ce qui entraînera une baisse des prix des solutions circulaires."
"Regardez les panneaux solaires, par exemple. À un moment donné, il fallait des subventions pour convaincre les gens, mais aujourd'hui, c'est un réflexe naturel pour à peu près tous les constructeurs/rénovateurs. C'est un investissement dont plus personne ne remet en question la pertinence. Grâce à l’augmentation de la demande et du nombre de fournisseurs, le prix a considérablement baissé, et la subvention n'est plus nécessaire. Même si elle reste utile d'un point de vue social pour certains groupes cibles.”
Quelles sont les mesures qui restent à prendre ?
Catherine De Wolf : "Entreprises, universités, politiciens, architectes, professionnels de la construction, ingénieurs... Plus il y a d'acteurs qui se mobilisent pour faire avancer l'évolution circulaire, plus la transition sera rapide. Et c’est une nécessité absolue, car le temps presse. Nous devons tous investir le plus rapidement et le plus possible dans la recherche et le développement, dans l’amélioration et l'élargissement de l'offre circulaire. Nous devons aussi informer, inspirer et convaincre un maximum de parties prenantes.”
Qui est Catherine De Wolf?
La recherche, l'enseignement et les travaux de Catherine De Wolf combinent l'architecture et les sciences de l’ingénieur, et mettent l'accent sur le design axé sur le cycle de vie, le carbone incorporé, la numérisation et la circularité. Elle jette un pont entre l'architecture et la technique et entre les travaux académiques (ETH Zurich, TU Delft, EPFL, MIT, Université de Cambridge, VUB, ULB) et professionnels (Losinger Marazzi, Elioth/Egis, Arup, Thornton Tomasetti, Ney & Partners, Helionix Designs, Modulo Architects).
Quelles sont vos recommandations ?
Catherine De Wolf : "Pour concevoir aujourd'hui en pensant à demain, il est préférable de travailler autant que possible avec des professionnels qui ont déjà adopté la circularité. En faisant appel à un réseau de personnes partageant les mêmes idées, nous passons encore à la vitesse supérieure. Plus le bâtiment est conçu de manière circulaire, plus on suscite l’attention, plus on peut toucher et convaincre les gens.
"Pour faciliter les choses, on pourrait peut-être créer un portail où les professionnels qui travaillent selon une démarche circulaire proposeraient leurs services ? Ce serait une façon de se tenir facilement au courant des dernières innovations mais aussi de contacter des personnes qui sont dans la même démarche que vous pour entreprendre un projet ensemble. Il y a déjà des initiatives en ce sens mais elles sont encore trop peu connues.
"Par ailleurs, la circularité devrait occuper une (plus) grande place dans les différentes formations. Des architectes aux ingénieurs, en passant par les artisans. Il faut sensibiliser les futurs professionnels de la construction. La circularité doit devenir un réflexe, ce doit être le fil conducteur majeur de chaque projet de construction.
Avez-vous d’autres conseils ?
Catherine De Wolf : "Nous devons voir (encore) plus loin et continuer à réfléchir aux besoins des bâtiments, des villes, du monde de demain. Des points problématique subsistent encore : le secteur de la construction doit privilégier davantage les matériaux locaux, on ne parle pas encore assez de la démontabilité… Nous devons aussi nous intéresser de plus près à l’aspect social de la circularité."