Ont-ils déjà quelqu’un pour Notre Dame, pourquoi pas?

Quelle est votre devise?

"Prenez votre travail très au sérieux, mais ne vous prenez pas trop au sérieux vous-même. Les architectes travaillent quotidiennement sur des dossiers de société pertinents, ils jouent avec l'argent et les rêves des gens. Il est donc important que nous donnions toujours le meilleur de nous-mêmes, que nous fassions notre métier avec passion. Même si cela doit parfois se faire au détriment de nos week-ends ou de nos temps libres. Il importe cependant de ne pas nous éparpiller ni nous trouver trop importants. L'humour permet d’y parvenir. Tout comme le fait de continuer à relativiser afin de ne pas dépasser les limites. Il faut être à l’écoute des autres. D'ailleurs, on ira beaucoup plus loin en équipe que tout seul. Le succès dépendra de tous les partenaires de construction. Du maître de l’ouvrage jusqu’aux installateurs."

Votre petit plaisir coupable préféré?

"De temps en temps, j’aime m’affaler le soir dans mon canapé et regarder une série policière anglaise ou suédoise. De préférence avec un petit verre de vin blanc. Pour le pur plaisir de découvrir des paysages magnifiques et des maisons remarquables. Même si j’observe surtout ce qui anime les personnages. Le policier génial et tourmenté, le tueur obsessionnel assoiffé de vengeance. Parfois, je me dis que j'aurais dû devenir psychiatre. Mais je me rends bien vite compte que c’est en dessinant entre mes pierres que je me sens toujours le mieux."

Votre héros de tous les temps?

"Je n'ai pas trouvé immédiatement un nom. Nombre de nos bâtiments historiques sont eux-mêmes des héros. Mais si je dois nommer quelqu’un, ce sera Filippo Brunelleschi. Un architecte, ingénieur, orfèvre et sculpteur de la Renaissance italienne. Il est surtout connu pour avoir redécouvert la perspective et construit la coupole de Santa Maria del Fiore. Selon la tradition, il serait également l'inventeur de ‘l'œuf de Christophe Colomb’. À Florence, il a conçu le Spedale (ou Ospedale) degli Innocenti, ‘l'Hôpital des Innocents’. Cet orphelinat, le plus ancien du monde, inspire par sa simplicité pure et son harmonie. Classique, original. Ici, tout le monde se sent apaisé."

Votre endroit préféré dans le monde?

"Marseille, New York, Lisbonne, des villes possédant une ligne d'horizon en bord de mer... Je ne me sens pas en vacances sans voir la mer. C'est presque génétique. Mon père était fils de pêcheur, tout comme son père. Quand j'étais enfant, nous nous rendions toujours à la Côte avec toute la famille et c’est resté. Dans mon propre pays, je me rends encore et toujours dans ce lieu d'autrefois: Oostduinkerke. Et cela me procure un plaisir intense. Qu’il fasse chaud ou froid, que l’eau soit verte ou bleue, que le temps soit calme ou à la tempête. Cela me permet toujours de recharger mes batteries.

Le sommet de votre carrière?

"L'abbaye du Parc – même si je parlerais plutôt d’un point culminant. C’est mon projet depuis déjà plus de 15 ans. Depuis l'élaboration du plan directeur jusqu’à la restauration de chaque bâtiment, de chaque aile. Ce projet a commencé par deux petits pavillons, les premiers projets qui m’ont été confiés. Nous travaillons actuellement à la dernière grande phase, qui sera achevée en 2026. Et ensuite? Eh bien... C'est encore un point d'interrogation pour l'instant. Un projet à l'étranger peut-être? Cela a toujours été un rêve. Ont-ils déjà quelqu'un pour Notre Dame, pourquoi pas? (rires)

Simon Van Ranst -

Qu'y a-t-il sur votre ‘liste de choses à faire avant de mourir’?

"Jusqu'il y a peu, c’était la visite de Moscou. La Place Rouge avec ses bâtiments incroyables et hauts en couleur. Mais cet enthousiasme est totalement retombé. Je me suis donc mise en quête d’une autre destination, et mon choix s’est arrêté sur Brasilia. Cette capitale a été construite en 1956 comme à partir de rien, selon les principes prônés par Le Corbusier au 20ème siècle. Un tournant dans l'histoire de l’urbanisme. Chaque élément devant être en harmonie avec l'ensemble du concept de la ville. Eh bien, j’aimerais voir cela."

Quel événement embarrassant préféreriez-vous ne pas raconter (mais vous allez quand même le faire ici)?

"En tant qu'étudiante en architecture, nous organisions des conférences au centre artistique ‘t STUK à Louvain. Nous avons réussi à attirer de nombreuses célébrités: Rem Koolhaas, Zaha Hadid et... bOb Van Reeth. Le soir où ce dernier devait prendre la parole, je tenais les entrées. Un grand monsieur avec une veste en cuir noir est entré et je lui ai demandé son ticket. À haute voix, afin que tout le monde puisse l’entendre, il s’est écrié: mais mademoiselle, je suis le conférencier! De honte, j’aurais pu me cacher sous ma chaise. Il y a peu, lors d'une visite guidée de son abbaye de Westvleteren, je lui ai rappelé cette expérience. Bob ne s’en souvenait pas, mais il a ri de bon cœur. Nous avons ensuite fait un selfie et bu une trappiste."

En quelle innovation placez-vous de hautes attentes?

"Tout au long de notre vie professionnelle, nous nous impliquons, en tant qu’architectes de restauration, dans la réhabilitation réfléchie, le réemploi ou encore les principes et les matériaux durables et circulaires. Le fait que ces principes fassent désormais des émules – par nécessité – constitue dès lors une très bonne chose. Il faut que cela devienne également un réflexe premier pour d'autres projets de construction. Au niveau urbanistique également, le patrimoine est d’ailleurs de plus en plus considéré comme un moteur du développement. Sa revalorisation garantit de nouvelles dynamiques. Je trouve ces tendances formidables."

À quel endroit, quel immeuble, quel bâtiment, quel projet aimeriez-vous vous ‘attaquer’?

"Dans le précédent confessionnal, Tom Thys a parlé de l’église Sainte-Walburge à Bruges. Il aimerait réhabiliter cet édifice, le plus riche et le plus purement baroque de Bruges, avec sa façade dynamique, ses innombrables détails architecturaux tant à l'intérieur qu’à l'extérieur, et le magnifique jardin avec orangerie qui l’entoure. Eh bien, avec Studio Roma, nous nous ferons un plaisir de participer! Et tant que nous y sommes, nous pourrions aussi nous attaquer à une autre église jésuite: l'église Saint-Charles Borromée à Anvers. Ou pourquoi pas, et là on se remet à rêver, à un palais à Venise. Oui, c’est ce qui me paraîtrait peut-être le plus stimulant, le plus intéressant et le plus chouette."

Quel professionnel de la construction aimeriez-vous voir prendre place dans le confessionnal d’un prochain numéro?

"L’architecte et urbaniste Livia de Bethune, fondatrice et partenaire du cabinet d'architecture Multiple à Bruxelles. Nous avons jadis étudié et travaillé ensemble dans un cabinet d'architectes bruxellois et nous nous sommes liées d’une amitié durable. Nos deux cabinets ont récemment remporté le concours pour la gare d'Etterbeek. Et je me réjouis déjà beaucoup de cette collaboration."